Vers l'horizon

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« Petites histoires à veiller couché » de Benoît Piedboeuf par Savina Gillès de Pélichy

« Petites histoires à veiller couché » de Benoît Piedboeuf, éd. Weyrich, 2020, 223 p, illustration Yves Piedboeuf.  Par Savina de Jamblinne

 

« Passager curieux de notre temps, boulimique de l’autre comme de l’art, la vie sociale et la politique, Benoît Piedboeuf écrit dans le refuge intime du soir et de la nuit.  Ce premier recueil de nouvelles rassemble des textes émouvants qu’il a sortis de son imaginaire, inspirés de ses rencontres et de ses expériences de la vie et de la mort.  Ce premier tome en appelle d’autres. » (4ème de couverture)

 

La première découverte fut celle d’un recueil de nouvelles à la couverture blanche, blanche comme de la neige gaufrée, onctueuse, proposant à la main une caresse avant de s’ouvrir à un monde d’histoires merveilleuses.  On le devine, par les illustrations et le soin apporté à la couverture, que nous allons pénétrer une atmosphère spéciale et fine.

 

Les premières lignes de l’auteur ne nous déçoivent nullement.  A pas feutrés, la découverte de personnages plus profonds les uns que les autres nous touchent et nous bousculent.  Ce qui frappe au premier abord, c’est que cet univers ressemble, par sa naïveté cachant une profonde gravité, parfois même dramatique, que cet univers ressemble étrangement au Petit Prince de Saint-Exupéry.  Les deux auteurs ont su raconter, à la manière des conteurs, comme si nous étions assis autour d’un feu de camp, et à voix basse, la vie des personnes qui parcourent le monde, le frémissement de leurs cœurs, les émotions de leur âme.

 

Tous deux ont perçu dans leur entourage, avec les gestes quotient et les vies simples, parfois douloureuses, l’humanité qui les imprègne.  Ce recueil de nouvelles est écrit avec tact et délicatesse et représente le regard d’un homme doté d’un grand humanisme qui parcourt ses relations humaines sans juger et en tentant de comprendre leur pulsion de vie la plus intime.

 

Le Petit Prince parlait avec douceur, presque en chuchotant, et nouait des liens en apprivoisant, aimant jusqu’aux larmes sa rose dont il prenait soin, comprenant que les épines étaient une manière de protéger une âme trop sensible ou un cœur trop fragile.  De même, Benoît Piedboeuf, Petit Prince des temps contemporains, nous entraîne dans les sillons de ses roses et de ses renards, nous ouvrant à l’amour de la vie et à son accueil, quelque soit notre vécu parsemé de malheurs et de joies.

 

16 nouvelles dont je ne présenterai que quelques extraits pour ne pas griller tout le livre.

Dans « Anatole », sans doute la nouvelle qui me touche le plus, nous avons affaire à un SDF qui, au fil de ses pérénigrations, découvre les coulisses, la chaufferie, les canalisations, d’un lieu de concert de musique classique.  Pour écouter ses concerts, il réussit à se procurer un vieux smoking et à chaque représentation, s’habille en circonstance pour écouter, pour déguster, les notes divines.  Jusqu’au jour où il est découvert car il rangeait les couverts après avoir terminé les encas des artistes.

 

P41. « Ne vous effrayez pas : je vous ai découvert depuis longtemps, mais moi aussi j’aime la musique, et je ne vous ai pas dénoncé.  Un homme qui prend la peine de mettre un smoking, seul, dans une cave, pour partager secrètement un concert, mérite tout mon respect ».

 

Plus rocambolesque est la nouvelle « Robert », où une touche de folie nothombienne nous amuse et nous émeut en même temps.  Jean-Pierre rencontre un monsieur tout le monde, qui se présente comme un génie, et qui ose proposer de ressusciter son ami Robert sous forme humanoïde.  Un délicieux dialogue sur le sens de l’humanité s’engage entre les deux amis retrouvés :

 

P167 : « J’ai dit « presque », J-P !  Parce qu’il nous manque ce petit supplément d’âme, cette imperceptible légèreté magique, cette fantaisie qui surgit sans aucune rationalité, sans explication logique, et qui vous rend si attachant, si magnifiquement créatif, inventifs, imprévisibles.  Notre cerveau est toujours dérouté par cette créativité qui ne correspond à aucune logique.  Nous la prenons comme un fait et nous gérons avec .  C’est la même chose, par exemple, si nous ingurgitons.  Nous ne pas avoir un comportement qui varie en fonction du nombre d’Orval que l’on boit … »

 

Chaque nouvelle doit se boire soit comme un bon verre d’Orval, soit comme un vin dont le liquide se pose sur la langue.

Couché dans son lit, ou au coin du feu, l’amour de l’homme et de l’humanité nous rejoint imperceptiblement.

 



15/04/2021
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