Vers l'horizon

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"Mayacumbra" , Alain Cadéo de Philippe de Potesta


"Mayacumbra" , Alain Cadéo de Philippe de Potesta

Mayacumbra , Alain Cadéo . Roman, éditions La Trace , septembre 2019 , 416 pages , 21 euros 

 

Alain Cadéo est un écrivain français qui a écrit de nombreux textes, nouvelles et romans ainsi que deux pièces de théâtre . Il a reçu plusieurs premiers prix littéraires dont le prix Marcel Pagnol en 1983 pour son roman Stanislas . Confessions ( ou les spams d'une âme en peine) est son dernier ouvrage édité en mars 2021. J’en parlerai ultérieurement dans Vers l’Horizon.

 

Mayacumbra m’avait été recommandé par un critique littéraire très connu . Le jour où j’ai été averti que ma commande de deux livres différents de cet auteur, que je n’avais pas encore lu , était disponible à ma librairie habituelle , j’y suis allé un peu comme un premier communiant ,excité mais aussi conscient que quelque chose d’important allait se passer.

Calé dans mon fauteuil, il m’aura fallu quatre soirées pour laisser mon esprit s'ennuager lentement par  la prose atypique et aérienne de Cadéo . Je savais qu’on l’avait qualifié d'orfèvre ou de magicien des mots . Mais je ne me doutais pas que lire Mayacumbra serait comme faire sauter le bouchon d’un champagne rare et millésimé . C’est un roman dont les pages sont une caresse  visuelle, à la résonance et au  goût dignes de ce champagne rare . Il pétille de dizaines de pépites et  de phrases ciselées avec talent !

 

La Corne de Dieu  est le nom du volcan niché au fin fond d’un pays hispanisant et qui domine de ses 2300 m un patelin fait de bric et de broc, Mayacumbra  entouré d’une forêt luxuriante et sauvage . Ces quelques maisons sont habitées par des gens de tous bords échoués là comme des  embarcations à la dérive.

 

Théo ,jeune garçon de 27 ans, va y poser son sac pour y vivre trois années  dans une cabane construite de ses mains . Sa seule compagnie est son âne sympathique et  au nom de Ferdinand . Il y reçoit presque uniquement la visite discrète  de la belle et jeune Lita qui n’est pas libre . Ils vivent un grand amour pur et détaché de l’ordinaire .

 

P12, Théo; “ J’ai quitté un jour les grandes villes lourdes affairées, grouillantes et puantes, sans vraiment savoir où j’allais . J’ai plaqué mes amis, ma douce et tendre famille , sans but et plein de colère. Sans raison particulière ,mais précipitamment. Comme une charge de hussard, comme on fuit l’ombre de ses habitudes. Pour voir plus loin que le bout de mon nez, pour me tirer des léthargies. Parce que le monde et sa course effrénée m'étaient insupportables .  “

 

P24: “ Lita, c’est l’innocence, c’est mon “gomme mémoire”, c’est la joie de ma nouvelle planète et ça occupe tout mon temps. “

 

Solstice ( garagiste noir qui possède le seul camion de Mayacumbra ) est l’ami protecteur de Théo qu’il avait chargé , alors qu’il faisait du stop pour se rendre au bout de la dernière piste , celle qui mêne au patelin . Seuls Solstice et Lita osent dépasser la dernière source d’altitude et qui, juste plus bas que la cabane de Théo, lui sert de salle de bain .

 

Tous les autres personnages de cette histoire sont à l’image de ce volcan et des humains , somnolents ,grondants , calmes ou dangereux . Tous se retrouvent , s’aiment ou se disputent au Kokinos , le seul magasin ,café et restaurant - hôtel de Mayacumbra . C’est le seul endroit et tous les ailleurs également!

 

P 370 “ Au fond, c’est la légèreté, l’aléatoire, l’incertain, qui les épouvantent. La candeur les effraie, la douceur les étrangle, le simple et le naïf les déconcertent .Ils leur opposent la violence de leurs gestes, de leurs mots, de leurs comportements, comme un poison paralysant la vie .”


Alain cadéo, d’une plume magnifique ,en nous livrant cette histoire nous amène avec discrétion dans son univers de pensées, de réflexions et d’humour . Il débusque et décortique ce qui anime ses personnages pour les relier ou les délier au  monde matériel et matérialiste . Il les plonge  dans une nature et un environnement tantôt émerveillant ou tantôt hostile . Ses mots tombent comme des poussières d’étoiles dans des phrases qui tanguent et qui flottent au fil de l’eau de la source de la vie ….

 

P76: “ Ainsi, jour après jour ,Théo s’applique ,farfouillant dans cette humanité qui est la sienne , à dénicher la part dont l’essence est divine.  La part du jeu, de l’invention, de la création gratuite . La part d’une ardeur mythologique pour tout enfant déraciné, le levain du sourire ,face à un nouveau jeu .”

 

En vous recommandant ce très bon roman , mélange d’actions ,de suspens de beautés et de pensées je me fais aussi discret que la tribu des amérindiens ( les hommes invisibles de la forêt) dont est issue la belle Lita , pour laisser les mots  de la fin à Alain Cadéo .

 

P348 : “ Le Monde a un secret. C’est un frisson que personne ne sait traduire et qui pourtant demeure aux portes de nos lèvres.”


29/01/2022
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