Vers l'horizon

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Yseult WILLIAMS, LA SPLENDEUR DES BRUNHOFF par Isabelle Regout


Yseult WILLIAMS, LA SPLENDEUR DES BRUNHOFF par Isabelle Regout

Yseult WILLIAMS, LA SPLENDEUR DES BRUNHOFF par Isabelle Regout

 

Avec son excellente plume, Yseult Williams nous entraîne en compagnie des Brunhoff sur les chemins de la presse française du XXè siècle avec deux maîtres mots : travail et succès.

 

Famille originaire de la bourgeoisie alsacienne, les Brunhoff se révèlent surtout comme dynamiques, ayant le sens du bien commun et curieux autant des nouvelles technologies que de l’air du temps. Le père Maurice comme ses enfants, Cosette, Jacques, Michel et Jean, cette famille incarne une certaine élégance parisienne et décontractée. Passionnés par tous les arts (le dessin, la peinture, la danse, la photo, les arts de la scène) ils sont soucieux de partager leurs découvertes.

 

Maurice montre la voie en créant la « Comediae illustré : revue des arts de la scène ». Le gendre Lucien Vogel, au flair artistique hors-pair, crée la Gazette du Bon Ton, revue véritablement pionnière dans

 

« l’histoire non seulement de la presse, mais aussi de la mode. Alliant exigence esthétique et unité plastique, cette revue réunit pour la première fois les grands talents du monde des arts, des lettres et de la mode,… ».

 

La famille, décidément  très entreprenante, crée aussi le Jardin des Modes.

S’ils aiment l’art et la mode, les Brunhoff connaissent tous ceux qui font la vitalité artistique de cette première moitié du XXè. Cocteau, Picasso, Diaghilev, Max Jacob, Fernand Léger, André Gide, Man Ray, Poulenc, Darius Milhaud, Christian Dior… sont leurs amis, leurs hôtes, leurs alter ego, les collaborateurs de leurs revues. Le Vogue, dont ils ont créé avec brio la version parisienne, donne le tempo.

 

Lucien, passionné par la société et l’histoire de son temps crée le Vu, une revue de reportages illustrés d’informations mondiales, n’hésitant pas en 1931 à partir en URSS, sujet qui passionne et qui divise. Puis il ira en Allemagne pour couvrir les élections. Enorme scoop ! Si leurs cœurs penchent volontiers à gauche, leurs publications ne le révèlent pas.

 

Pendant que les aînés recherchent sans relâche des nouveaux talents, et transforment parfois leurs vies en tourbillons, Jean, leur petit frère, nettement plus introverti, cherche longtemps sa voie dans le domaine artistique, peignant avec un certain talent. Un jour, à la demande de ses enfants, il couche sur papier l’histoire d’un petit éléphant avec un costume vert, histoire inventée par son épouse pour endormir un de leurs enfants malade. L’histoire plaît tellement à tous, les planches en couleurs sont si réussies, que toute la famille souhaite voir cet album prendre forme. Ce seront les aventures de Babar, éditées par Hachette et qui connaîtront immédiatement un grand retentissement.

 

Mais ce qui peut sembler un heureux succès, se heurte hélas aux réalités de la vie. Atteint de tuberculose osseuse, Jean de Brunhoff s’éteint en 1937. Puis la guerre, que les Brunhoff traverseront avec honneur et dignité, réclamera son lot de vies : Pascal, vingt ans à peine, l’aîné de Michel et Marcelle sera fusillé avec cinquante-cinq autres jeunes parisiens partis rejoindre le maquis. Maïco, l’aînée de Cosette (et Lucien Vogel), communiste, fera partie des prisonnières politiques et connaîtra pendant 27 mois l’horreur des camps : Birkenhau, Ravensbrück et Mauthausen où son courage, son altruisme et son optimisme sont connus de tous. Elle affrontera avec dignité et détermination ses bourreaux au procès de Nuremberg. Son témoignage contribuera, avec d’autres récits accablants à démontrer l’existence de la « solution finale ». Son témoignage exemplaire, couvert par la presse internationale, la propulse du jour au lendemain, au rang de « figure iconique de l’élan de gauche de l’après-guerre. »

 

Sans les Brunhoff, Christian Dior aurait-il seulement songé à s’engager dans la mode ? Après la guerre, ce sont eux qui l’encouragent, lui font rencontrer Lelong avec qui il s’associera. Premiers défilés, succès éclatants et retour de Vogue-Paris dans les kiosques. Mais Michel ne pressent pas les changements qui sont à l’œuvre. Le prêt-à-porter devient la norme, Paris n’est plus la capitale de la mode. Une dernière étincelle dans la vie de Michel pourtant : la rencontre avec Yves Saint Laurent dont il pressent le génie. Il le guide et l’accompagne se substituant quasi à son père.

 

Avec une plume alerte et vive, Yseult Williams fait revivre, grâce aux archives familiales, une large page du XXè siècle. Cette fresque est à l’image de cette famille : pétillante, de bon goût et bouillonnante de vie. Ils sont unis, hommes et femmes de conviction, parfois révoltés, toujours curieux, des éditeurs de génie. Enthousiasmant !

 

Yseult Williams, La Splendeur des Brunhoff, éditions Fayard, 2018.


03/05/2021
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