Vers l'horizon

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"L'inconnu de la poste" de Florence Aubenas, par Philippe de Potesta


"L'inconnu de la poste", de Florence Aubenas par Philippe de Potesta

"L'inconnu de la poste" de Florence Aubenas, éd. de l'Olivier, févr. 2021, 237 pages. Par Philippe de Potesta

 

Florence Aubenas, grande reporter au journal Le Monde est une journaliste d'immersion.  Elle avait été enlevée à Bagdad en 2005 et libérée six mois plus tard.  Elle a écrit un livre sur l'affaire Outreau (Seuil 2005) et Le Quai de Ouistreham (l'Olivier 2010)

Pour réaliser son dernier ouvrage, ici, "L'inconnu de la poste" sept années d'enquêtes lui ont été nécessaires.

 

"L'inconnu de la poste" de Montréal-la-Cluse (Haut Bugey), c'est cet assassin dont on ne sait toujours rien et qui n'a pas été trouvé à ce jour.  La victime, c'est l'employée de la petite poste, Catherine Burgod, assassinée en décembre 2008 de vingt-huit coups de couteau.

 

Le suspect principal qui a été jugé et mis hors cause au tribunal de Lyon en 2019 est le sdf/acteur de cinéma Gérald Thomassin, enfant de la Ddass mais aussi César du meilleur espoir du cinéma français à seize ans et qui jouera dans vingt et un films notables.

 

p 15 : "Au centre du Haut Bugey, une courte bande de terre se faufile entre les montagnes et permet de relier la France à la Suisse sans grimper sur les sommets.  Pour qui s'y arrête, le premier saisissement, c'est un lac au milieu des à-pics.  Il est plutôt petit, mais d'un bleu pas comme ailleurs, on le dirait intact, donnant à chacun l'impression d'être le premier à le découvrir."

 

Une fois arrivée à Montréal-la-Cluse, Florence Aubenas va s'immerger dans les eaux de surface ainsi que dans celles plus profondes de celle des villageois.  Son investigation à la Simenon nous est livrée avec une écriture superbement imagée et fluide, concise et précise.

 

p49 : "Sur la table, il y a la tasse de café de Catherine Burgod avec la cuillère dedans, son paquet de Marlboro, un journal de mots fléchés ouvert et le crayon posé avec soin par-dessus.  Sa chaise est à peine repoussée, comme si elle s'était levée tout naturellement.  Chaque chose est à sa place, pas un papier n'a bougé, mais tout est éclaboussé de sang, une pluie de sang jusque sur les dessins d'enfants au mur, la vaisselle dans l'égouttoir, le pardessus en laine rouge ou le numéro de magazine Closer sur le guéridon qui proclame : "Alice : elle a déjà oublié Matthias."  Le petit chien s'est assis à côté de Catherine Burgod.  Elle gît entre l'évier et le coffre, dans une nappe de sang."

 

A la poste, Catherine recevait souvent la visite de ses amies d'enfance.

 

p 23 : "Puis la quarantaine approchant, elles sont retournées dans le territoire clos de l'enfance, ancrées de nouveau à quelques pas les unes des autres entre la poste, la mairie, l'église, comme au temps de la grotte aux chauves-souris près de la Vierge blanche oui de la luge derrière le cimetière."

 

Et à propos du premier casting de cinéma du suspect Gérarld Thomassin lorsqu'il avait seize ans :

 

"Ce jour-là Pierre Amzallag, directeur de casting, est derrière la caméra.  Quand je lui posais mes questions, il paraissait parler pour lui pour la première fois de sa vie, racontait Amzallag à l'époque.  Il ressemblait à un poney sauvage que l'on vient d'attraper au licol" p 101

 

Plus tard, en 2019, Thomassin se raconte à Aubenas.

 

p 129 : "Quand tu es à la rue, tu vis au fur et à mesure.  Au bout d'un moment, la rue a pris toute la place, tu ne penses plus qu'à elle.  C'est comme le cinéma.

 

Florence Aubenas nous parle avec empathie et admiration de ce coin méconnu de France surnommé la Plastic Vallée car en quelques années les petites et misérables exploitations agricoles familiales se sont reconverties avec brio en petites entreprises de fabrication d'objets en plastique.

Offrant encore de multiples emplois à l'heure actuelle.  Mais aussi, Aubenas nous décrit de façon savoureuse les nombreux villageois dont surtout, les amis des deux principaux protagonistes à savoir Catherine Burgod et Gérald Thomassin.  La première ayant tenté à deux reprises de mettre fin à ses jours avant d'être assassinée et le second cinq fois quant à lui .  Des vies qui ont vacillé fréquemment, recevant de multiples aides d'amis.

Les lecteurs, au-delà d'un simple fait divers relatant un crime odieux, sont plongés par la grande reporter dans l'univers de la vie.  Celle de deux êtres fragiles Catherine qui a été gâtée et protégée par un père aimant et qui malgré cela a raté son bonheur.  C'était une femme aimée très jolie et gentille.

Tout le monde l'admirait et elle était aimable avec tous.  Et pourtant, lorsqu'on a découvert son cadavre, tous on crut d'abord à un suicide.

Gérald était très gentil avec tous et apprécie aussi mais il était poursuivi par le démon de l'alcool et de la drogue, le monde du cinéma aurait pu le sauver, lui faire oublier son enfance malheureuse, son placement à la Ddass.  Il n'en a rien été.

 

Je concluerai en restant persuadé que ces deux êtres disparus tragiquement auraient connus en réel bonheur, une vraie sérénité, s'ils avaient été guidé par une autorité morale.  Quelqu'un comme une tante, un oncle, un prêtre, un psychologue vers qui ils auraient pu trouver un secours moral à chaque moment de déprime.

 

Casting Thomassin

 

Philippe de Potesta


13/03/2021
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