"Au jardin des immortels" de Valentine de le Court par Phiippe de Potesta
Au jardin des immortels. Roman . Valentine de le Court . Editions Mols . 200 pages . Septembre 2023.
Au jardin des immortels est le cinquième roman de Valentine de le Court . Écrivaine et comédienne, cette ancienne avocate passionnée de mythologie antique explore cette fois la question du temps et de la mortalité humaine dans un récit qui nous conduit aux racines de notre civilisation européenne.( 4ème de couverture)
Une nuit d'été . Une fête somptueuse et décadente. Des invités étranges et décalés. Un jardin peuplé de créatures mystérieuses . Une nature qui ne répond à aucune logique cartésienne. C'est tout cela que découvre Hector, jeune orphelin solitaire, après avoir volé une invitation qui ne lui est pas destinée . Cissy, une femme énigmatique rencontrée à l'entrée du domaine, le fait pénétrer dans cet autre monde dont ils ne maîtrise pas les codes Peut-on sortir indemne d'une plongée en eaux inconnues? Qui sont vraiment ses hôtes ? Après avoir découvert ce qui se cache sous leur apparence de riches désoeuvrés, Hector pourra-t-il se sauver ? (4ème de couverture).
Valentine de le Court ,dans ce cinquième roman , use de toute la gracieuseté de sa belle plume et de son imagination débordante d’actrice de théâtre pour nous faire pénétrer dans une somptueuse propriété en compagnie d’Hector son personnage principal .
p 29 ‘’ Vers vingt heures , je me trouvais au pied des hauts murs du Domaine de l’Olympe . Derrière les grilles , s’élevait un bourdonnement de conversations, tel un essaim d'abeilles excitées , étouffé de musique entraînante . Une odeur exquise de menthe fraîche mêlée de viande rôtie flottait dans l’atmosphère . “
Quelle est cette fête à laquelle Hector pénètre après avoir volé un carton d’invitation ? Et qui sont ces gens ?
P33 “ Les gens qui donnaient cette réception devaient être des ambassadeurs ou des acteurs de cinéma. J’étais sans doute en train de frayer avec des célébrités .”
Grâce à son style d’écriture élégant , fluide et poétique l'auteure se servant de toute la richesse de son vocabulaire nous immerge dans son histoire . La finesse des descriptions et sa capacité à créer pour nous des images vivantes nous font découvrir cette fête flamboyante comme si elle nous prenait par la main pour marcher en compagnie d’Hector !
Ce dernier finira par être invité par ses hôtes, hors du commun des mortels , pour une longue période durant laquelle il va se familiariser avec leur mode de vie atypique . Tout comme pour cette extraordinaire demeure entourée d’un gigantesque jardin qui fait rêver .
P78 “ Marchant entre les buissons, j'aperçu une serre que je n’avais encore jamais remarquée. Elle était gardée par une statue moussue représentant Atlas portant le monde sur son dos . A l’intérieur , des arbres garnis de pommes jaunes si brillantes qu’elles paraissaeint faites d’or . J’en cueillis une en guise de petit déjeuner . “
Cette histoire originale d’un concept innovant avec tant de détails créatifs qui nous transportent au-delà des conventions nous fait découvrir , pour notre plus grand bonheur , la capacité de Valentine de le Court à nous faire penser à d’autres personnages et à d’autres lieux . A chaque fois qu'elle nous transporte avec son imagination débordante dans une situation extraordinaire , elle arrive à nous ramener ensuite dans une quiétude ordinaire ; p 142” Quand je me réveillai, elle était pelotonnée comme un petit mammifère , chaude et vivante , contre mon flanc . Ses seins frêles se dessinaient sous sa robe. Je me souviens les avoir regardés bouger au rythme de sa respiration jusqu’à son réveil .”
J’ai été subjugué par ce tout nouveau roman qui n’a pas son pareil en littérature à ma connaissance . Du plaisir à l’état pur du début à la fin, tant pour l’histoire que pour l’écriture !
Philippe de Potesta .
Le Jardin des Anges de Philippe Moncho par Philippe de Potesta
Le Jardin des Anges , Philippe Moncho ,roman aux éditions La Trace , avril 2021 , 287 p ,16 euros .
Philippe Moncho est un artiste Cap- Corsin , auteur de Pélo et Lua en 2018, son écriture est trempée dans la mer et les voyages. Compositeur de Isadora en 2014 et de 2 disques pour enfants , Piccule Piccule Storie, prix Musanostra de la ville de Bastia en 2017 et Les contes du loup en 2019.Il nous dévoile avec le Jardin des Anges un nouvel univers, original, sensible et poétique.
-
“C'est un printemps magnifique, la vie grouille à température idéale, le monde se réveille et renaît à la vie.””P 39 . Cette phrase de Philippe Moncho ,tellement en rapport avec la période que nous connaissons actuellement ,ici en Belgique, m’a plongé également dans la réalité poétique de cet auteur sensible et à la plume aérienne comme le Milan dont il parle trois lignes plus bas . P 39 “ Pourtant, un premier effroi dans mon enfance, la vision persistante de ce corps d'adulte allongé dans l'herbe tiède.Un Milan tournoie dans le ciel en lâchant un long cri. Je regarde à nouveau, il est là, l'homme est mort dans les hautes herbes , il repose tranquille, face au ciel. Ma mère ne le voit pas, elle m'appelle pour que je vienne goûter les prunes, qu'elle m'annonce comme délicieuses. Je me réveille de cette troublante vision, il n'est plus là, il reste encore les traces de son corps, là où les herbes sont couchées, écrasées.”
-
Dès les premières lignes de cet ouvrage prenant et atypique, les lecteurs sont happés par la réalité onirique de la prose ensorcelante et poétique que Philippe Moncho puise dans les écumes des vagues qui viennent échouer sur sa belle île de Corse.
-
Le jardin des Anges est le lieu de ressourcement de tous les beaux textes qu'il a assemblés pour en faire un ouvrage cohérent où se croisent et s'échappent ses souvenirs, sa fiction et ses rêves. Des textes à lire et à apprécier aussi bien avec le café du matin que celui, décaféiné du soir….
-
L’auteur nous livre toute sa démarche de façon éloquente ,P 51 “ On a frappé à la porte, c'est le marin, il souhaite que j'écrive le journal de bord d'un potager. Tout ce petit monde est éveillé, l'artiste et le prêtre font du thé dans la cuisine. Ils sont la famille de mon je, et somme toute, nous sommes ce que je suis. L'écriture se travaille donc en famille ici, avec mes antérieurs, et quelques défunts, dans les éclats de voix, les fous rires et les silences . Bienvenue dans le brouhaha de ma solitude. J'ai décidé de mettre de l'ordre dans tout cela, j'ai rangé mon bureau, Pélo et Lua, Villa Blanca ou La Promesse, le Jardin des Anges, il me semble que j'avance, que la matière s'accumule, s’agglomère, fusionne, jour après jour, résolument.”
Outre les nombreux différents textes qui donnent du relief et de la saveur poétique à ce remarquable roman ,il y a l'infinie magnificence toute en quiétude de l’île de beauté qui a donné à Philippe Moncho une philosophie et un art de vivre palpables à travers son écriture cristalline . Je lui laisse donc les mots de la fin de mon retour de lecture ! P 193 “ Merci pour cette belle journée si près du ciel, si près de bleu de cette mer céleste, ce monde inversé où naviguent nos chers disparus. Ils sont loin d'être muets, et nous souhaitent le meilleur. Je vous l'assure de ma croyance la plus sincère, la plus enfantine, de mon ouïe la plus fine, de ma foi la plus naturelle qui soit. Il fait bon vivre en phase avec l'univers. Une joie pousse en mon ventre , je couve un embryon de bonheur, il diffuse dans mon corps un délicieux mélange de paix et de sérénité.”
"Numéro deux," de ,David Foenkinos par Philippe de Potesta
Numéro deux, roman ,David Foenkinos . Gallimard ,déc 2021 ,235 p ; 19,50 euros
David Foenkinos est traduit dans plus de quarante langues et n’est plus à présenter . La Famille Martin ,son dernier roman, avait eu sa chronique dans le présent blog .
Un 1999 débutait le casting pour trouver le jeune garçon qui allait interpréter Harry Potter et qui, par la même occasion deviendrait mondialement célèbre. Des centaines d'acteurs furent auditionnés. Finalement, il n'en resta plus que deux. Ce roman raconte l'histoire de celui qui n'a pas été choisi.
Une fois de plus, ce grand écrivain nous prouve qu'il excelle dans ses romans. Numéro deux et écrit dans un style narratif et a une construction chronologique impeccable .Cette lecture facile et agréable n’est pas alourdie par des descriptions trop élaborées. Par contre ,chaque fois qu’il en trouve l’utilité pour donner du sérieux à sa fiction , Foenkinos nous entraîne dans des réflexions ou des constats psychologiques très fins et habiles .
Martin Hill, le jeune garçon qui sera le numéro deux, celui qui n’a pas été choisi pour tenir au cinéma le rôle d’Harry Potter, va vivre cela comme un traumatisme ,un échec qui le poursuivra pendant plus d'une vingtaine d’ années.
C’est cette douleur et ses conséquences psychologiques qui sont le développement de cette belle histoire qui colle à merveille à la réalité de l'aventure qu’a été le succès planétaire de l'œuvre de J.K Rowling.
P87.« Il fallait maintenant prévenir les deux finalistes d'abord la bonne nouvelle, d'abord rassurer le champion choisi, et on s'occuperait ensuite du perdant. À n'en pas douter, la déception de Martin Hill serait immense. Personne ne pouvait imaginer à quel point ce serait douloureux.»
P124 On l'aurait supplié de raconter l'envers du décor. Et s'il en était venu à évoquer sa rencontre avec Ron et Hermione, il serait carrément devenu la star de l'établissement. Alors quoi ? Pourquoi ne le faisait-t-il pas? Pour la simple raison qu'il ne voulait pas être associée à cet échec.Il ne voulait pas lire en permanence dans le regard des autres: « Ah, c'est celui qui a failli être Harry Potter.»
À cette douleur va se rajouter pour Martin,celles du divorce de ses parents, la perte de son père et finalement l'échec d'une famille recomposée avec un beau-père machiavélique. Martin va également connaître, heureusement, trois passions dont la dernière, celle de son épouse, va le sauver de tous ses démons. Son court séjour en asile psychiatrique ne l’ayant aidé que partiellement..
Sophie avait demandé :« et toi ? Tu fais quoi ? » Il fallait donc toujours se définir, avoir des choses à dire sur soi, offrir son passé pour recevoir du présent. Il rêvait d'une rencontre ne reposant sur rien de concret. Cela lui rappelait les mots de Flaubert à Louise Collet : « ce qui me semble beau, ce que je voudrais faire, c'est un livre sur rien qui se tiendrait par la force intérieure de son style. » oui, c'était exactement ça son désir, celui de vivre une rencontre sans devoir se raconter, une rencontre qui ne tiendrait que par la force intérieure de son style.
P217: Martin était désespéré. Tout lui revenait. Les tentatives d'esquives de la vie de l'Autre, le désir de se couper du monde, les efforts surhumains pour simplement acheter un livre où aller au cinéma, oui, tout était de retour. Pourquoi ?Sophie et lui formaient un couple merveilleux, alors quoi ? Était -il condamné au malheur quoi qu'il arrive?
Foenkinos se plaît à imaginer la situation inverse ,celle de Daniel Radcliffe qui a joué le rôle de Harry Potter ,P 232 " A un moment, je n'en pouvais vraiment plus. J'ai failli tout plaquer. C'est de notoriété publique. J'ai eu des problèmes d'alcoolisme de toute façon, dès que j'avais mal, tout le monde le savait. Si je pissais de travers, c'était en une du Daily Mail dès le lendemain. Je suis traqué sans le moindre répit, tu crois que c'est plaisant ?”
J’ai trouvé admirable que dans un même roman il soit évoqué les problèmes de la notoriété publique ainsi que les échecs professionnels avec toutes les conséquences psychologiques qu'ils peuvent avoir pour ceux qui les vivent . Dans beaucoup de situations, un petit rien fait la différence . Ce petit rien peut alors devenir une montagne pour ceux qui sont passés à côté de cette chance ou ce hasard …C'est un fardeau qui peut parfois peser très longtemps et même qui nécessite des séances de psychothérapie!
"Le Portrait disparu" de Guillemette De La Borie par Philippe de Potesta
Le Portrait disparu , Guillemette De La Borie ,Calmann Lévy ,2022,273p,18,90 euros
Guillemette De La Borie est journaliste et romancière et auteure d’essais de biographie et de livres pour enfants .
En mars 1938, l'arrivée dans son immeuble des beaux quartiers parisiens d' une famille originaire de Hongrie vient faire souffler sur l'existence bien rangée d’ Apolline Chamassy, 12 ans , un vent de fantaisie et de gaieté. Elle est subjuguée par Dorothée, l'aînée des enfants, qui a le même âge qu'elle. Marchand d'art, le père de Dorothée a pris sous son aile un jeune peintre, Anton Drovic, exilé lui aussi, auquel l'harmonie entre les deux fillettes inspire un tableau,” Les deux jeunes filles”.
La toile est destinée au père d’Apolline mais la guerre éclate, dispersant les uns et les autres, et M Chamassy., qui met les deux adolescentes à l'abri, pense-t-il dans sa famille à Montauban, n'a pas le temps d'en prendre possession.
Bien des années après, Alyssa, la petite fille d'Apolline, repère le tableau à l'occasion d’une vente aux enchères comprenant des œuvres sauvées du pillage pendant l'Occupation. Toute son histoire familiale resurgit alors, lourde et tourmentée, qui la ramène à un indicible secret….
Cette lecture recommandée sur son site Facebook par la très importante et magnifique ASBL ,Eveil à la Culture , m’a incité à l'acquérir via le service de vente de cette ASBL qui a pour mission d’initier le goût de la lecture dans différentes écoles et ce ,grâce à des dames bénévoles !
Au moyen d’ une élégante prose, De La Borie nous entraîne dans une histoire passionnante qui s'étale des années 1938 au début des années 2000. Je regrette cependant que l'auteure trop habituée à écrire des biographies ne fasse que raconter des faits plutôt que de développer les sentiments des protagonistes de cette histoire captivante et bien arrimée à des moments et actions qui se sont déroulés durant la dernière guerre .Quoique étant de la fiction , l'impressionnante documentation et recherches sur le terrain effectués par cette bonne auteure , font coller ce roman bien écrit à la réalité du destin des juifs et des oeuvres d’art pendant l’occupation allemande . Surtout en ce qui concerne le rôle de la Résistance dans le sud de la France principalement pour cacher des Juifs avec une aide plus qu’ appréciable du clergé et des écoles catholiques.
Une lecture bien agréable ,captivante et très intéressante . Merci à Eveil à la Culture pour ce bon conseil!
" Les Lendemains" de Mélissa Da Costa par Isabelle Regout
Attention, sortez vos mouchoirs !
MÉLISSA DA COSTA qui nous avait attendris avec Tout le Bleu du Ciel, revient ici avec Les Lendemains.
Avant de parler des lendemains, il faut d’abord connaître les événements de la veille. Et ils ne sont pas drôles. Amande, un prénom comme un autre me direz vous, à 24 ans, perd conjoint et bébé dans de dramatiques circonstances.
Le démarrage est rude. Pour vous regonfler le moral, il faudra choisir un autre livre car l’ambiance est tristounette durant 200 pages environs.
Mélissa Da Costa nous conte la lente reconstruction de cette jeune femme effondrée. Et à la fin, je vais quand même la dévoiler, non, Amande ne retrouve pas l’amour dans les bras d’un autre homme, (heureusement Mélissa Da Costa évite ce piège grossier) mais elle retrouve le sourire et une raison de vivre.
Dans un monde littéraire où les situations les plus abracadabrantes ou scabreuses suscitent l’enthousiasme, où les styles écorchés semblent être la norme (ou la mode), Mélissa Da Costa nous plonge dans une oasis pleine de fraîcheur.
Ce livre nous touche par sa bienveillance, par les sentiments positifs qui le traversent : l’attention aux autres, à tous les autres, quelles que soient les générations, l’attention à la nature qui est célébrée à toutes les pages, la spiritualité, le non-jugement, la délicatesse. Cette anti-héroïne ne joue pas à la super woman. Pas d’exaltation ici mais une histoire qui avance pas à pas, doucement. C’est gentil et c’est déjà pas mal. Mais, comme dans Tout le Bleu du Ciel (concernant la maladie d’Alzeimer) cette histoire plaira surtout à ceux et celles qui n’ont jamais connu le deuil. Ce roman peut aussi séduire par le grand thème à la mode, fortement développé ici : le sacré descendu du Ciel pour inonder la Nature.
Le style fluide et l’histoire très humaine donnent à ce roman quelques arguments de séduction mais moi, il m’en faut plus pour m’enthousiasmer.
MELISSA DA COSTA, Les Lendemains, Roman Albin Michel, 2021, 370 p.