Vers l'horizon

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"Rescapés de Kigali" de Yvonne-solange Kagoyire, François-Xavier Ngarambe, Jean-Marie twambazemungu par Savina Gillès


"rescapés de Kigali" de Yvonne-Solange Kagoyire, François-Xavier Ngarambe, Jean-Marie Twambazemungu par Savina Gillès

"Rescapés de Kigali", Yvonne-Solange Kagoyire ,François-Xavier Ngarambe, Jean-Marie Twambazemungu, éd. de LEmmanuel, 2014, 22 €

 

En 1994 sévit une des pires guerres que l'Afrique ait connue.  Un couple de rwandais, mixte, Jean-Marie est hutu, Stéphanie est tutsie, deviennent des rescapés du génocide rwandais.  Ils ne savent comment.  Plutôt que de sombrer dans la haine et la vengeance, ils décident de vivre en harmonie avec leur foi et distillent l'amour sur leur passage.  Cela porte ses fruits, à  peine y croient-ils eux-mêmes, mais l'amour, vécu avec authenticité, est plus fort que la haine. 

 

Ce livre est écrit à six mains, chaque couple témoigne de son vécu dans la foi au travers de la terreur.

 

p67 : "Nous avons été dirigés vers la fosse commune.  C'était une nouvelle mesure qui avait été adoptée : ne plus exécuter les gens aux barrages, officiellement pour ne plus avoir à transporter les corps, officieusement pour que les satellites ne puissent pas prendre des photos des tas de cadavres.  Nous nous sommes retrouvés là, devant la fosse, à attendre.   Nous étions quatorze personnes en tout, dont deux qui étaient dans le même minibus que nous, plus nos deux enfants.  Quatorze personnes à tuer une par une, à la machette.  Nos deux amis du minibus étaient juste devant nous.  Nous les avons vu mourir.  Nous avons vu leur corps tomber dans la fosse.  L'un deux s'appelait Prudence. (...)  

  • Je te connais  Stéphanie ne se souvenait plus de lui mais il a insisté : " Je te connais.  tu travaillais à Sodeparal.  Tu m'as rendu un service, alors je ne peux pas te tuer.  Tu vas t'en aller mais je ne te permets pas de continuer ta route.  Tu vas rentrer chez toi."

 

C'est alors que le couple prend conscience de l'immense force de l'amour, quelque soit l'intelligence, les avoirs, les richesses ou le pouvoir.  Seul l'amour a pouvoir sur les hommes et fléchit les coeurs.  Nombre de fois ils ont échappé à la mort uniquement parce que leur générosité et leur bienveillance ont été reconnues par les bourreaux dans leur passé.

 

Le couple connait aussi la séparation avec leurs enfants, pour les sécuriser, ils doivent les abandonner à d'autres familles.  La douleur est immense.  Mais il en va de la survie de toute une famille.

 

Face à l'horreur, ils apprennnent aussi à ne pas juger, tant leurs amis tutsis et hutus que les bourreaux auxquels ils font régulièrement face.  Il y a des situations dans la vie où juger autrui relève de l'utopie, la souffrance est telle que nul ne peut comprendre ce qui tourmente chaque coeur.  Ainsi gardent-ils leur cap de l'amour, sans juger, en donnant sans compter.   Etonnamment, leur vie est à chaque fois épargnée.  cela relève du miracle de la vie, de la bonté des coeurs qui reste encore chez chacun malgré le génocide.

 

Ils découvrent sur leur chemin un enfant, qui s'était caché dans la haie au moment où toute sa famille s'est faite massacrée.  Rapidement ils se rendent compte que le gosse souffre du complexe du survivant.  Il se retrouve seul dans la rue.  Torturée mentalement d'avoir survécu.  Ne sachant où aller.

 

Ainsi ce couple, aidé par d'autres couples, refuseront leur statut de réfugiés en Belgique pour rester au Rwanda;  Tant d'enfants désorientés dans les rues, tant d'amour à donner malgré l'horreur la plus absolue; ils vont renconcer chacun à une carrière internationale, ramasser les gosses, leur donner un toit, créer une école, et ainsi contribuer à la reconstruction du Rwanda.

 

p110 : "Ce n'était plus "pourquoi dois-je vivre?" mais "Pour quoi dois-je vivre ?"  J'ai senti que je devais me demander quel but avait désormais ma vie et pourquoi j'avais été épargné, alors que les autres étaient morts.  La question était lancinante et lorsque j'essayais de la chasser de mon esprit, elle revenait."

 

Témoignage de l'autre couple du livre, François-Xavier :

 

p188 : "A un moment, un militaire s'approche d'un de mes collègues, un professeur de biologie, et lui demande de se lever.  Mon collègue se lèvre, enfile sa chemise, la boutonne, met ses lunettes.  Il jette un regard sur sa femme, puis sur ses enfants.  Il traverse la salle avec calme et une noblesse inégalables, comme un suprême témoignage de liberté.  Il est abattu d'une seule balle et s'écroule à terre.  Sa mort a été pour nous un témoignage extrêmement fort de courage et de liberté.  On avait l'impression que personne ne lui prenait sa vie, c'était lui qui la donnait."

 

Aujourd'hui, ces personnes continuent leur travail de labeur de fond pour relever un pays.  Saluons le courage de ces couples mixtes qui ont su transcender le mal pour le bien.

 

 


14/07/2021
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