"La vie en relief" ,Philippe Delerm par Philippe de Potesta
"La vie en relief" Philippe Delerm par Philippe de Potesta
La vie en relief . Philippe Delerm , Seuil, janvier 2021 , 232 p ,17.50 euros.
Philippe Delerme est un écrivain français connu pour ses très nombreuses oeuvres littéraires dont des recueils de poèmes en prose ; le plus célèbre étant La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules ( Gallimard 1997) .Ce livre connut un immense succès après quoi il abandonna sa carrière d’enseignant en lettres pour se consacrer uniquement à l’écriture .
En cette période de confinement ,il m’a semblé intéressant dans ce tout nouveau recueil ,de découvrir le style de l’inventeur de l'instantané littéraire . Ce style unique inventé par Philippe Delerm me paraissait tout indiqué à un moment de notre vie où le temps figé nous pousse à nous réinventer chaque jour !
Il nous faut trouver à la manière de cet auteur un sens et une beauté dans l’ordinaire des choses . C’est cela ,la vie en relief qu’à voulu écrire ce champion de la prose dans cet ouvrage dans lequel il parcourt avec légèreté et brio toutes les périodes de sa vie . Il conclut en donnant du sens à son récit p 232
“ Je n’ai pas l’impression d’avoir été un enfant, adolescent, homme d’âge mûr, puis vieux. Je suis à la fois enfant,adolescent, homme d’âge mûr, et vieux. C’est sans doute un peu idiot, Mais ça change tout .”
Delerm excelle à trouver un discernement , des émotions ou des couleurs et des saveurs à chaque moment de sa vie ou d’une journée . Il dissèque ,analyse pour trouver une explication , une motivation à chacun de ces instantanés subtils ,anodins ou déterminants.
P 215 “ On le sent, on le voit . il y a un âge où on ne séduit plus. On ne fait plus partie du jeu . On ne vous regarde plus. Une rationalité élémentaire devrait faire éprouver un nouvel état comme s’il était irrémédiable. Mais la rationalité et les humains ne font pas bon ménage. En fait, ce temps où l’on ne séduit plus, on le vit comme un retour au temps où on ne séduisait pas encore .”
En fait Philippe Delerm s’est mis à écrire pour tâcher de comprendre ce qu'il vit et de s'atteler à lui donner du sens .
P 72 “ Vivre par les toutes petites choses. Des sensations infimes, des phrases du quotidien, des gestes, des bruits, des odeurs, des atmosphères. Ecrire sur tout cela. Car écrire et vivre, c’est la vie en relief,une opération qui s’est imposée lentement . Transformer en sujet ce qui n’en est pas un, la perspective est délicieuse . Elle donne le sentiment que l’existence est inépuisable, qu’il y aura pour toujours un angle différent à trouver, à chaque fois l’impression de respirer plus large, en ayant tiré de la vie même ce qu’elle contenait mais demeurait enfoui .”
Pour conclure ma lecture de ce livre fractionné en une multitude de petits passages très différents les uns des autres, quoi qu'en suivant la chronologie de la vie de son auteur , je vous laisse savourer quelques alcools !
P 39 “On en voit dans les vitrines rutilantes où sont exposées les bouteilles d’alcool. C’est beau, ces théories de couleurs chaudes,tous ces dégradés de l’ambre au mordoré, avec ça et là du rouge éclatant, de l’orange flamboyant, Apérol-Campari,et même le bleu saugrenu du curaçao. Mais la dominante va aux sauvageries britanniques, à la tourbe et au vent captifs qui flambent, apprivoisés, dans une tonalité de feu de cheminée au fond d’un pub, à l’abri des tempêtes. Il y a aussi ces flammes différentes de cognacs, des armagnacs,dont les bruns et les fauves s’arrondissent hypocritement dans des flacons plus évasés, une brutalité secrètement sucrée . Et puis les alcools blancs. Framboise,poire,prune.Ces mots prennent un pouvoir nouveau sur la petite étiquette. “ Eau de vie “, déjà . Une eau urgente, essentielle, une eau pour brûler dans la vérité décantée.Le v de vie y déploie une force à la fois de pureté élevée et d’agressivité vénéneuse. Mais c’est une eau de vie de...A l’origine il y a un fruit,une couleur, une saison .”
Philippe de Potesta