Vers l'horizon

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"Le chagrin des origines" . Laurence Nobécourt par Philippe de Potesta


"Le chagrin des origines" . Laurence Nobécourt par Philippe de Potesta

Le chagrin des origines . Laurence Nobécourt . Récit, Albin Michel . 2019.207p ,17.90 eu 

 

Parisienne , Laurence Nobécourt est journaliste et  écrivain, installée en Drôme depuis plusieurs années où elle dirige entre-autre un atelier d’écriture . Elle est publiée depuis plus de vingt-cinq ans . Elle a été pensionnaire de la Villa Médicis à Rome  , ce qui est un grand honneur !

 

Le chagrin des origines est une oeuvre poignante et courageuse . Le récit d’un combat personnel pour vaincre  les années douloureuses endurées par l’auteure depuis sa prime enfance .

Elle finira par  guérir également d’un eczéma qui lui collait à la peau ,signe visuel de cette souffrance vécue au quotidien pendant tant d'années .

Nobécourt a décidé il y a deux ans de laisser tomber le Laurette dont ses parents l’avaient affublée pour se réapproprier son prénom ; Laurence .Ensuite, elle va utiliser son grand talent d’écriture pour s’enfermer dans la cabane du fond de son jardin et là,dans cette retraite,  faire une analyse de l’origine et des causes de son chagrin . Son récit va l’aider à conclure son auto-guérison .

Il y a tant de talent d’écriture dans cette oeuvre que je vous laisse le soin de le  découvrir  par vous- même .

 

P9, “ Je suis née du verbe, sans rituel ni sermon. Je suis née de ces après- midi blanches où,retirée à ma table,au centre du temps,j’écris ce qui ne peut se dire ni se taire .Les yeux fermés, habitée de mots, je descends dans les profondeurs de moi-même, à l’écoute de ce qui, aux confins de la chair, tente de s’articuler par l’esprit . Et ainsi je m’absente jusqu’à naître dans un autre monde, une réalité différente où surgissent d’autres pensées que je ne savais pas m’appartenir . Les mots me protègent en même temps qu’ils m’exposent. À cause des mots et grâce à eux , je me sépare et je m’unis .”

 

P81,” L’écriture , petit à petit, m’a permis de me récupérer dans mes propres mots .Elle relève d’un espace intérieur impénétrable à autrui,solitaire,où l’être se meut avec cette liberté indomptable qui se manifeste dans le simple mouvement de se laisser penser . Naturellement penser, c’est à dire penser de tout son corps, avec son corps, par lui et en lui. Cet espace poétique est celui du divin appelé à rayonner dans tous les aspects de notre vie . Le silence en protège l’accès si précieux. Il en est à la fois le chemin et le but car tout chemin est un retour à lui . En lien étroit avec celui-ci, l’écriture est le plus clair sentier pour retourner au silence . C’est une prise de parole qui laisse la voix au repos dont les anciens disaient qu’elle est faite pour chanter, célébrer et guérir . Surtout pas pour parler .Lorsque l’ Éternel se manifeste au prophète, n'emprunte-t-il pas une “ voix de fin silence “? “ 

 

P90, “ C’est dans cette poésie du monde que s’est enracinée ma foi qui, outrepassant sa violence clame à hauteur d’Homme le visage de Dieu; en cet “esprit de la vie “, comme je l’ai si longtemps nommé, et que j’ai eu tant de coeur à transmettre à mes enfants comme dans mes livres puis dans mes ateliers .”

 

Nobécourt se livre énormément dans ces pages parce qu'elle sait que l’écriture va sauver sa vie !

 

P107” Clarissa Pinkola Estés a remarquablement décrit dans son livre - Femmes qui courent avec les loups- cette façon dont une femme est progressivement détruite dans ce qu’elle a de plus précieux en elle .Une destruction qui peut aller jusqu’à la mort,qu’elle soit psychique ou même physique. Je n’en suis pas passée loin . Et lorsque, des années plus tard,ma fille m’a demandé de parcourir son mémoire sur les violences conjugales faites aux femmes, dans le cadre de ses études en psychologie qu'elle achevait au Canada, j’ai été surprise de pouvoir m’y retrouver dans presque toutes les descriptions qu’elle y faisait . Y compris à cette difficulté à s’arracher à la perversité de la relation; difficulté d’autant plus grande que l’on y a collaboré. Cela m’a pris du temps ,mais j’ai réussi à partir .” 

 

P163 .En vérité ,nous ne regardons la réalité dans les yeux qu’en de très rares moments de notre vie . Lorsque, après la mort de ma mère,s’est ouverte sa succession, j’ai regardé la réalité dans les yeux: suite à un rendez-vous chez la notaire, alors que je n’avait plus ni père ni mère, des deux soeurs qui me restaient, j’ai réalisé que je venais de perdre ,en une heure, les liens fraternels qui me reliaient à elles .”

 

Dans cette prospection intime dont Laurence Nobécourt nous décrit les aléas, les rêves meurtris ,les illusions et les éblouissements ,une âme se met à nu sans tricher ,toujours guidée par une foi aussi libre que fervente et communicative .

 

En guise de conclusion , je laisse la parole à l’auteure de cet ouvrage incroyablement fort !

 

P84, “Mais ne s’agit-il pas encore et toujours de la même histoire ,du même enjeu? Celui de devenir qui l’on est, d’être libre au sein de cette condition humaine qui nécessite ,par son essence même, de conquérir cette liberté .”

Philippe de Potesta.

 


27/04/2021
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