" Billy Wilder Et Moi ". Jonathan COE par Philippe de Potesta
"Billy Wilder Et Moi" . Jonathan COE par Philippe de potesta
Billy Wilder Et Moi . Jonathan COE. Gallimard ( roman) mars 2021, 292 p. 22 eu
Jonathan Coe est un célèbre écrivain anglais né en 1961 . Il a un doctorat en littérature anglaise et enseigne à l’université de Warwick . Il a écrit dix romans ,des nouvelles ainsi que des biographies sur des vedettes de cinéma . Il a également été primé à plusieurs reprises .
Billy Wilder et moi est un excellent roman dans lequel Coe mêle ses connaissances cinématographiques à une intrigue romanesque pleine d’esprit et d’humour .
Dans la chaleur de l’été 1977 ,la jeune Calista quitte sa Grèce natale pour découvrir,sac au dos, les Etats-Unis . Arrivée à Los Angeles ,le hasard la fera manger à la table du célèbre cinéaste Billy Wilder . Cette rencontre va bouleverser sa vie . Quelques mois plus tard ,sur une île grecque transformée en plateau de cinéma, elle devient l’interprète et aussi assistante de Billy Wilder qui s’est souvenu d’elle . Pendant tout l’été , Calista sera aux côtés des acteurs et réalisateurs de l'avant-dernier film de Wilder ,Fedora .
L’histoire commence à Londres où vit Calista qui a presque soixante ans. Son mari anglais Geoffrey est professeur de cinéma tandis qu’elle compose des musiques de film . Ils ont deux filles ,sœurs jumelles . Fran s'apprête à avorter d’un enfant dont le tout jeune père ne veut pas tandis que sa sœur Ariane va s’envoler pour terminer ses études en Australie . Ces deux situations très chargées d’émotions pour Calista leur maman va faire ressurgir en mémoire son voyage aux States lorsqu’elle avait le même âge . Mais, surtout sa rencontre avec Billy Wilder .
Coe a écrit avec beaucoup de maîtrise son nouveau roman en utilisant de façon très fluide différents types narratifs et ce, de façon vivante . A la fois sensible et humoristique . Il termine par une fin ouverte positive laissant présager que les parents de Fran vont l’aider à renoncer à avorter et se destiner à prendre en charge l’éducation du futur bébé …
Ce que j’ai découvert de remarquable et peu ordinaire chez ce grand auteur , c’est qu’il a su mettre de côté sa virilité pour entrer incroyablement dans la peau de son héroïne Calista en lui attribuant avec maestro des réflexions et des attitudes féminines . Cela en est bluffant de réalisme !
Le moment véritablement charnière dans la vie de Calista est cette fameuse rencontre à Beverly Hills .A table dans le restaurant dont Billy Wilder est un habitué et qu'il invite la jeune voyageuse et son amie anglaise .
P65, “ J’avais l’impression d’avoir mis un pied dans une autre sphère , un tout autre monde . Dans deux jours , je serais de nouveau à bord d’un bus Greyound, pour transpirer durant sept heures jusqu’à San Francisco , avec rien d’autre à manger dans mon sac à dos que des sandwichs au fromage industriel , mais j’étais incapable d’y penser à ce moment là . Tout ce que j’avais en tête , c’était l’élégance et l’amabilité de ces gens, comme ils s’étaient montrés accueillants envers moi, au point de me donner à mon tour le sentiment d’être élégante et aimable .”
L’auteur ne se limite pas à avoir placé une fiction dans la vie très chargée ( nombreuses sources de documentations) de Wilder . Il place dans son roman beaucoup de tendresse mais aussi beaucoup de réflexions sur le parcours du temps , la vie d’une célébrité . La famille et la marque du passé sur chacun de nous .
Il me plaît de conclure cette critique en vous livrant cette description qui aborde l’humour ,
p 124 “ Et je pris conscience que pour un homme comme lui , un homme fondamentalement mélancolique ( l’ami de Wilder ) , un homme pour qui la marche du monde ne serait jamais qu’une source de regrets et de déceptions , l’humour n’était pas seulement beau mais nécessaire, que raconter une bonne blague pouvait faire naître un moment , fugace mais délicieux, où la vie prenait un sens particulier et ne semblait plus arbitraire, chaotique ni inexplicable . J’étais heureuse de penser que malgré toutes ses inexplicables difficultés du monde, il disposait encore de cette source de consolation . “