"Où va la lumière morte ?" Pierre Morlet par Philippe de Potesta
Où va la lumière morte ? Pierre Morlet . La trace, décembre 2019, 111 p, 16 euros
Pierre Morlet est un magistrat belge ( 1976-2009) qui a eu comme dernière fonction avocat général près la cour d’appel de Bruxelles . Il est l’auteur d’un certain nombre de publications dans le domaine juridique . Il signe ici sa première œuvre littéraire .
Pierre Morlet nous livre avec brio le destin de cinq personnages différents vivant au troisième siècle . Bien loin des éclatants et glorieux récits et films à la gloire de l’apogée de l’empire romain ,il nous décrit ,en spécialiste de l’antiquité ,ce déclin d’un empire difficile à maintenir dans sa gloire.
Il clôture son ouvrage par une question ouverte “ Dans la nuit de ce siècle, une lumière fugitive a brillé pour le faux thaumaturge , pour le poète raté, pour le soldat perdu, pour l'évêque relaps, pour l’esclave en fuite . Cette lumière était-elle la même pour tous ? N’était-elle pas une illusion , créée par Ialdabaoth et retournée à la Ténèbre dont elle était issue ? Ou était-ce le fugitif éclat de ce que nous partageons avec eux, nos frères d’un temps lointain ?
L’auteur utilise ses personnages en tant que narrateurs de leur propre histoire qu’ils nous racontent en direct . D’une manière très originale, tantôt très vivante et très spontanée ou alors ,poétique voire ironique mais, toujours avec des éléments introduits qui sont à chaque fois parfaitement exploités historiquement pour nous immerger dans cette époque si complexe .
P 29 “ Passé trente ans…A quinze ans, j’ai fui cette garnison de Cyrénaïque où mon père était soldat . Je répugnais à revêtir à mon tour la cuirasse, comme la loi l’impose désormais aux fils de militaires , quand je dis la cuirasse, c’est une image, beaucoup de soldats en sont dépourvus, ils n’en ont jamais touchée ou l’ont revendue à des barbares, ou encore l’ont abandonnée pour ficher le camp plus vite devant un ennemi plus belliqueux ,ce qui n’est pas difficile à trouver.”
P57” C’était un tribun militaire trapu, coiffé de cette horrible toque ronde en feutre blanc que les gradés affectionnent, auparavant elle n’était n’était portée que par des bergers d’Illyrie, aujourd’hui même l’empereur en coiffe son crâne tondu, ça fait peuple et guerrier à la fois.”
P60 “Une maison, à Modène, habitée par une vieille qui prenait soin de moi, mais sans affection aucune. Un jour, une dame très élégante, parfumée, une déesse? Non, l’épouse de Servianus, qui m’a emportée avec elle, ici . Servianus et elle m’ont adoptée. Les patriciens n’ont guère d’enfants issus de leur chair, ils adoptent. J’étais, m’a-t-on dit, jolie et éveillée. Autrement, je présume que j’aurais fini dans un lupanar .”
P 79 “ Mes pas me menèrent dans des champs bordés de peupliers, comme dans ma terre natale, le même paysage plat, triste et médiocre où mon enfance se perdait dans la brume froide qui montait des rivières .Puis les murailles de brique encerclant une ville de brique, des rues sinueuses bordées de murs aveugles , des passants à la peau claire comme celle des montagnards que j’avais quittés, aucun regard curieux ne me suivait, avec ma vêture de plâtre et mes cheveux roussâtres comme les leurs rien ne révélait en moi l’étranger; enfin une place immense et poussiéreuse ,un marché comme tous les marchés.”
L’ancien magistrat avec ces cinq destins poignants dans cette époque si rude et chahutée nous ramène à la question humaine . Dans toute forme d’humanité de l'humanité, une lumière d’espoir , un éclairage sur le sens de nos vies est un gage de l’immortalité de nos âmes !
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