"Les frémissements du silence" de Dominique Zachary par Savina Gillès de Pélichy
"Les frémissements du silence" de Dominique Zachary, éd. Kiwi, févr.2020, 243 p, 18 €, par Savina Gillès de Pélichy
"Dominique Zachary, auteur de nombreux ouvrages, est journaliste professionel en Belgique. Il a notamment signé le best-seller "La patrouille des enfants juifs", qui a été adapté en BD ainsi qu'en une comédie musicale qui a rencontré un grand succès." (4ème de couverture)
Alex est PDG d'une société de produits pharmaceutiques "Pergaux & Bock Technology" qui a le vent en poupe.
Il est bien fait de sa personne, 58 ans, cheveux poivre et sel et tout lui sourit. Il est puissant, gagne trop bien sa vie, et fonctionne tel un rouleau compresseur dans le monde du busness. Son arrogance et son caractère de décideur font souffrir ses employés qu'il traite durement. Chaque jour est un jour pour davantage rendre son entreprise plus performante, plus forte, plus gagnante encore. Jour et nuit il pense à ses affaires, et jour et nuit sa femme est délaissée. L'un et l'autre vivent tant bien que mal leur mariage chacun de leur côté, n'ayant ni vision commune de la vie ni centres d'intérêts communs.
Sa vie devrait être une aventure qui continue à être parsemée de défis jusqu'au moment où sa mère se retrouve en soins palliatifs. Cela l'embarasse. Son agenda chargé ne lui permet pas d'aller lui rendre visite et il reporte constamment des rendez-vous pourtant demandés et nécessaires.
Une infirmière, Françoise Lucchioni finit par exiger que Max trouve le temps pour visiter sa mère mourante. A contre-coeur ce dernier finit par effectuer le voyage et rencontre de justesse sa mère avant le trépas.
Il est ébranlé. L'infirmière Françoise ne le ménage pas et le rudoie, ne supportant pas ses airs de dictateur et de suffisance. Elle qui consacre des heures à tenir la main de ses patients, elle qui connaît la valeur du silence et de l'amour avant le grand saut, remet vigoureusement Max à sa place alors qu'il se comporte comme un PDG à l'hôpital. Françoise estime que face à l'agonie de sa mère il manque de tout, surtout de compassion et de temps.
L'enterrement a lieu, à la vitesse d'une montre chrono, tout roule comme Alex le souhaite et malgré qu'il déteste cette infirmière qui lui a tenu tête, alors que le hasard entraîne ses pas le long d'un quai, là où de nombreux artistes peignent les passants, il tombe sur Françoise, assise sur une petite chaise occupée à réaliser des portraits. Elle est douée, son coup de crayon est juste, et c'est tout naturellement qu'il exige qu'elle le dessine.
Las, l'infirmière-artiste refuse net. Elle lui répond que son visage ne lui plait pas.
"p48 : Il y a beaucoup de travail pour vous. Il faut changer votre âme, de l'intérieur. Changer beaucoup de choses en vous. Vous ouvrir aux autres. Devenir plus humble. Plus tolérant. Vous avez déjà entendu parler de miséricorde ? Ce n'est pas qu'une notion chrétienne, chacun devrait la pratiquer dans sa vie. Soyez plus miséricordieux, monsieur Pergaux. Parlez moins. Arrêtez de vous exprimer comme si vous aviez un compte en banque à la place du coeur. Cultivez le silence, l'écoute. Sortez de votre usine. Quittez vos certitudes. Ecoutez le chant des oiseaux. Observez les arbres, les fleurs. Sentez-les. Caressez le vent. Mettez son souffle dans votre poche. Et quand vous aurez fait tout cela, vous reviendrez me voir..."
Cette giffle verbale ébranla profondément Alex. Qui était cette femme qui osait lui parler sur ce ton, le renvoyer dans ses cordes, il se sentait K.O sur le ring. Furieux, il quitta la place et partit.
Ainsi commença un long cheminement intérieur. Un bouleversement de l'âme qui peu à peu sera éclairé par sa conscience. Etre conscient que la vie n'est pas uniquement liée à l'argent et au pouvoir mais qu'elle décèle des souterrains profonds et infinis.
La quête de soi, telle la chenille se transformant en papillon ne se fit par du jour au lendemain. Dominique Zachary suit son personnage au travers d'une retraite spirituelle, et l'emmène sur ce point d'équilibre entre la vie et la mort, en soins palliatifs. Le silence, les gestes doux, les paroles inutiles, les mots retenus deviennent un nouveau monde que le PDG apprivoise. Son coeur s'ouvre, sa vie change, et sa rencontre avec Françoise s'étoffe à la mesure où sa propre vie retrouve un sens nouveau.
Tel est le livre de Dominique Zachary. La lente mue d'un homme imbu de lui-même pour acquérir une peau neuve, resplendissante, qui, quelque soit les avoirs, le rend enfin heureux. D'une joie douce et calme, le genre de joie qui ne se manifeste pas avec grand bruit mais se vit de l'intérieur, une paix manifestée par des sourires vrais.
Alex aura appris à écouter le silence. Le sien d'abord. Aussi celui des autres. Un silence empli de miséricorde.
Savina Gillès de Pélichy
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