"Le suicide" de Nathalie de Kernier, par Savina Gillès de Pélichy
« Le suicide » par Nathalie de Kernier, éd. Que sais-je ? , déc.2020, 9€ par Savina Gillès de Pélichy
« Nathalie de Kernier est Maître de conférences habilitée à diriger des recherches à l’université de Paris-Nanterre, elle est psychologue clinicienne, psychothérapeute et psychanalyste. Elle a notamment exercé à l’hôpital Necker-Enfants malades et est lauréate du premier prix scientifique de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et disciplines associées (2015).
Préface de François Ladame, psychanalyste (membre de la société suisse de psychanalyse) et ancien professeur de psychiatrie à la faculté de médecine Genève. » (4ème de couverture)
Qui parmi nous n’a jamais été confronté, soit par des proches, soit par des connaissances, au geste tragique du suicide ? Nathalie de Kernier nous brosse une étude sur le suicide au travers l’histoire, mais aussi en analysant les différents contextes. Cet essai permet de comprendre le geste, l’environnement qui l’aura favorisé, mais devient aussi quête de sens de la vie.
A travers l’histoire, nous prenons conscience que le suicide a existé en tout temps, que ce soit lié à la culture ou des périodes plus sombres.
P7 : « A Athènes, le suicide est puni : le cadavre est privé de sépulture, sa main droite est coupée et enterrée ailleurs. Des philosophes cyniques et sceptiques sont partisans du suicide, par exemple Diogène. »
L’auteure analyse également le thème du suicide au travers de la littérature :
P10 : « A travers son œuvre, Balzac distingue essentiellement trois formes de suicide : l’une appartenant à la pathologie, l’autre venant du désespoir et une troisième liée au raisonnement »
Mais l’acte suicidaire peut également être dû aux phénomènes sectaires dont les enfermements mortifères sont contraires à la poursuite de l’existence :
P20 : « Le sujet adhérant à une idéologie sectaire se place en rupture avec ses origines et avec le reste du monde souvent considéré comme « mauvais ». Un tel enfermement volontaire peut-il être entendu comme une alternative inconsciente à l’acte suicidaire ? »
C’est ainsi que l’adhésion à une secte et donc de son enfermement volontaire ( ?) pose la question de l’inconscient et des pensées ou idéologies mortifères qui nourrissent se choix. De même, on pourrait avancer qu’une personne qui souhaite quitter une secte, déjà en rupture avec le monde, ne sache comment s’y prendre, croyant toutes les portes closes, et se donne la mort, étant déjà quelque part dénuée de sève vitale.
Nathalie de Kernier tente de comprendre l’incompréhensible, surtout chez l’adolescent :
P24 : « Comprendre, du latin cum prehendere, c’est « prendre avec soi ». Saisir implique un élan vital. Or, comment saisir un geste risquant la mort ? C’est dire l’implication personnelle que l’écoute de suicidaires requiert. »
L’adolescent, en pleine métamophose doit faire face à ses pulsions nouvelles qui émergent, soit aussi des idées de mort qui apparaissent comme une défense contre ces réémergences (p25). Il sait qu’il quitte l’enfance, devra couper le lien sécurisant (ou pas) avec ses parents (angoisse de séparation), et s’approprier son identité et son avenir. Par ailleurs, l’Œdipe ou l’Electre peuvent être compliqués et rendront l’indentification encore plus ardue. Ses angoisses peuvent-être insupportables.
P 37 : « Atteints dans leur identité, exécutant au pied de la lettre une ultime tentative de vicariance de l’image de soi, les suicidants par précipitation ne seraient-ils pas précisément ceux qui traversent leur miroir, brisant tout à la fois leur image et leur double, brisant du même coup toute perspective dialectique du corps et de l’esprit, de l’extérieur et de l’intérieur, de l’amour et de la haine, du conscient et de l’inconscient ? »
L’auteure évoque entre-autre le suicide chez l’enfant et souligne ce problème de société du harcèlement scolaire, par exemple.
Sujet peu évoqué qui est celui du suicide au travail. Le harcèlement existe bel et bien mais le suicide peut aussi être déclenché par une mutation, une promotion qui serait source de stress et de surcharge de travail.
Bien-entendu, de Kernier approfondit les constellations familiales et leur dynamique, la colère qu’un parent peut provoquer chez un enfant soit par une maltraitance soit par une relation toxique, et expliquer que le suicide, dans beaucoup de cas, est une colère retournée contre soi. Colère, comme nous le savons, signifie conséquence d’une blessure.
Nous pourrions développer à l’infini toutes les thématiques développées par l’auteure autour du suicide. Cet essai ouvre à la compréhension, l’empathie, et surtout, le non-jugement.
J’aimerais terminer par les derniers mots de Nathalie de Kernier :
« Même à supposer que la vie n’ait pas de sens, nous pouvons penser avec le philosophe Bacon que nous lui donnons une signifiaction pendant que nous existons. Si nous n’avons pas le pouvoir de changer l’histoire de notre vie, nous avons celui de choisir quoi en faire, quel sens lui donner ».
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