"La famille Martin" de David Foenkinos par Philippe de Potesta
"La Famille Martin", David Foenkinos, roman Gallimard, sept.2020 - 226 p - 19,50 €.
David Foenkinos est l'auteur de dix-sept romans dont trois adaptés au cinéma - "Charlotte" a obtenu le prix Renaudot et le Goncourt des lycéens en 2014.
Foenkinos dès la première ligne fait planer un doute. S'agit-il de lui ou d'un écrivain imaginaire comme narrateur dans son récit ?
"J'avais du mal à écrire; je tournais en rond. J'ai pense que n'importe quel récit réel aurait plus d'intérlêt. Je pouvais descendre dans la rue, arrêter la première personne venue, lui demander de m'offrir quelques éléments autobiographiques, et j'étais à peu près certain que cela me motiverait davantage qu'une nouvelle invention."
Cette personne, l'auteur en mal d'inspiration va la trouver. Elle a plus de quatre-vingt ans et s'appelle madame Tricot. Pour mieux cerner son personnage, il finit par s'intéresser à sa fille Valérie Martin et au reste de la famille.
Foenkinos à travers de courts chapitres nous fait évoluer d'un protagoniste à l'autre tout en parcourant leur vie, leurs secrets et leurs émotions.
Sa prose est agréable et directe et le narrateur tout en étant l'observateur de la famille analyse toutes les facettes pour en tirer tantôt le côté dramatique ou humoristique. Mais aussi et surtout les côtés psychologiques. Une spécialité de Foenkinos !
Jugez par vous-mêmes :
(p76) "C'est assez classique, j'imagine. L'adolescence est un âge où la perception de soi est mise à mal. Cela s'explique peut-être ainsi : bien souvent l'enfance est un royaume où l'on est au centre du monde. Sans le vouloir, les parents gonflent de manière disproportionnée l'ego de leur progéniture. Ils accourent au moindre besoin, jugent génial n'importe quel gribouillage et s'extasient sur des chorégraphies ridicules. Bref, l'enfant a l'impression d'être touché par la grâce, et se fracasse lamentablement, ensuite, dans la vérité de l'adolescence : il n'est que lui. Il n'y aurait sûrement beaucoup moins de crises pubertaires si l'on plongeait les humains dès leur plus jeune âge dans une réalité moins narcissique."
Durant tout le récit, on est captivé par les liens tissés entre l'écrivain et la vieille Madeleine qui souffre d'un début d'Alzheimer. Celui-ci tout en devenant l'ami de la vieille dame va lui permettre de réaliser son rêve le plus fou en la conduisant à son premier amour qui vit encore et se trouve à Los Angeles !
La Famille Martin se lit agréablement et m'a fait réfléchir cependant. Car, en racontant l'histoire d'une famille entière, il y a beaucoup de situations évoquées concernant les adultes et les adolescents. En plus, Foenkinos veut offrir, dans son imaginaire, à une dame en fin de parcours, la possibilité d'avoir la visite régulière d'un écrivain qui devient son ami.
Cela la coupe de ses journées tranquilles et monotones dont elle dit : "j'ai fait plein de choses aujourd'hui, je n'ai pas arrêté."
Finalement il va la "déconfiner" de son appartement pour l'amener aux U.S.A où elle trouvera la réponse à une très ancienne question qui l'a taraudée toute sa vie.
Il y a dans ce roman un rêve que nos personnes âgées cloîtrées depuis un an dans leur résidence de fin de vie ne pourront malheureusement pas connaître !
Philippe de Potesta
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