Vers l'horizon

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"La beauté du ciel", Sarah Biasini par Savina Gillès de Pélichy

"La beauté du ciel" de Sarah Biasini, éd. Stock 2020, 256p, 19€, par Savina Gillès de Pélichy

 

"Tout en continuant à jouer au théâtre, Sarah Biasini, fille de Romy Schneider et de Daniel Biasini, change de mode d'expression et choisit l'écriture" (4ème de couverture)

 

Ce livre ressemble à un fleuve qui coule doucement, sans vagues, pour terminer sa course dans un océan de quiétude vers un horizon insaisissable.

 

Après une telle lecture se pose la question de la vie et de la mort, de ces deux extrêmes longuement puisés dans les tréfonds de l'auteure.

Est-il nécessaire de rappeler qu'elle fut entourée, bien trop précocemment, par la mort tragique de son frère adolescent David et un an plus tard, par celle qu'elle aime plus que tout au monde, sa mère.

Cette mère qu'elle a dû, bien malgré elle, partager avec le monde entier, qui l'adulait, car elle fascinait, d'une beauté irradiante et d'un jeu cinématographique sans fards.

Ce partage universel d'une icône, vivante ou décédée, la rend par la force des choses encore plus inaccessible, d'autant plus qu'elle disparu au sommet de sa gloire.

Traverser les étapes du deuil est une épreuve pour tout à chacun, pour Sarah Biasini ce chemin de croix, ce parcours héroïque demande de se débattre d'une toile d'araignée bien serrée.

L'enfant de star aurait tant voulu avoir sa mère pour elle, comme une enfant normale :

 

p71 : "Moi, la chair de sa chair, j'ai intégré sa notoriété depuis belle lurette mais je voudrais toujours qu'elle ne soit qu'à moi seule.  Que personne d'autre ne la regarde, ne la nomme, ne prétende la connaître, n'écrive sur elle ou, pire encore, ne porte le même prénom.  Je voudrais m'asseoir sur la pile de magazines qui la représente pour la cacher aux yeux du reste du monde"

 

Pourtant, une déflagration se produit dans la vie de Sarah.  Ayant eu tant de difficultés à enfanter, la voici qui découvre, alors que tout semblait perdu de ce côté là, qu'elle est enceinte.

Sentir son bébé grandir dans son ventre, onduler dans le liquide et déformer sa peau par ces coups de poings ou de pieds entraîne la future mère dans le creux de la vie.  Jusque là elle était entourée du souffre de la mort, contamment rappelé à elle par l'odeur de la presse provoquant des resurrection ponctuelles.

 

Les pages du livre défilent au rythme des mois de sa grossesse, la vie et la mort ravivent les souvenirs de l'enfant qu'elle fut dont Biasini devra également accoucher, afin de se réappropier son prénom Sarah, afin de définir le lien qui l'unissait à sa mère, et finalement, laisser chaque être là où il doit être, couper les fils qui l'entravent, et prendre son envol en ouvrant les paumes vers le ciel.

Son bébé recevra ce livre comme une longue lettre que sa mère lui adresse, une sorte de testament, où les mots démêlent les attachements et les émotions telle une pelote de laine qui se déroule.

 

Mais ce long processus de gestation demande de vaincre ses peurs, ceux inhérent à la perte de ses proches, qui ne peuvent reproduire les traumatismes sur son bébé bientôt plongé dans le monde des vivants.

 

p112 : "J'ai peur de ne pas savoir m'occuper de toi, d'être trop hésitante, de mal faire.  Pourtant mes gestes semblent naturels.  Ni précis, ni maladroits.  Tu t'adaptes.  C'est comme si j'étais faite pour t'attendre, faite pour toi, pour être ta mère."

 

La vie entre dans la vie de Sarah Biasini et elle relève la tête, se déploie, et ouvre ses ailes vers les cieux.

 

p149 : "Aujourd'hui, je ris toute seule de mon autosabordage systématique.  Mes mouvements contradictoires continuent de me surprendre mais, à force de les décortiquer, je finis par prendre sous le bras les plus négatifs, les embrasser à pleine bouche et me donner un seul coup de pied au cul.  Le rideau va se lever."

 

Cette lettre de Sarah est le parcours d'un deuil magnifique d'une adulte confrontée à la vie et à la mort, et qui, par la naissance de sa fille Anna, réussit à s'extirper d'une monde pour rejoindre un autre : vivre.

 

p 245 : "Quoi qu'il en soit, c'est avec le plus grand naturel que je me suis mise à t'appeler toi, Anna, Ma Beauté du ciel, puisque c'est de là que tu viens, de ta grand-mère au ciel, qui nous regarde."

 

Savina Gillès de Pélichy

 

 



02/03/2021
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