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Dave EGGERS, LE MOINE DE MOKA par Isabelle Regout

Dave EGGERS, LE MOINE DE MOKA par Isabelle Regout

 

Le Moine de Moka n’est pas un roman, mais le récit d’une tranche de vie, la vie de Mokhtar Alkhanshali, américain d’origine yéménite, qui n’est pas moine du tout ! Et l’histoire ne se passe pas du tout à Moka mais à San Francisco, Sana’a, Ibb, Aden et parfois à Moka.

 

Mokhtar a reçu à sa naissance plusieurs atouts dans son jeu : une famille unie et accueillante, une double culture et un sens évident de la débrouillardise. Et il lui en faudra une bonne dose dans ses périples rocambolesques.

 

Mais au rang des points négatifs : une adolescence galvaudée et une scolarité un peu chaotique. Il est alors expédié au Yémen, chez ses grands-parents. « Au bout d’un an passé avec Hamood et Zafran, Mokhtar rentra métamorphosé aux Etats-Unis. Il n’était certes pas totalement amendé et se servit beaucoup de son art de la débrouille au lycée, mais il avait étudié l’arabe classique, s’était éveillé à son héritage yéménite et commença […]  à prendre exemple sur son grand-père et à se voir comme un homme à l’esprit d’entreprise. Un homme qui aime le mouvement. »

 

En matière de mouvement, nous ferons plusieurs fois l’aller-retour entre le Yémen, berceau historique du café et les Etats-Unis où Mokhtar souhaite importer des fèves. À l’heure où certains dégustent le café comme d’autres évaluent des grands crus classés, il pourrait y avoir de l’or à cueillir au pays de ses ancêtres. Mais les cultivateurs, peu formés, fournissent une matière première où le meilleur côtoie le plus souvent le pire et le pays est en proie à la guerre civile.

 

Tout au long du récit, on est bluffé par l’esprit d’entreprise et la débrouillardise de Mokhtar, par ses paris très audacieux voire angoissants. Les enjeux financiers sont parfois énormes, il faut accorder sa confiance à de quasis inconnus et la vie semble tenir à un fil. Certaines situations sont hallucinantes. Il raconte de l’intérieur la guerre dont on nous parle parfois dans les média.

 

Ce récit est actuel et interpellant. Mokhtar raconte avec beaucoup d’autodérision, d’humour et d’humilité ce parcours hors normes. A travers l’histoire tout à fait réelle de cet importateur de café, on apprend la culture et la fabrication de cet autre or noir (combien de tasses de café sont-elles bues chaque jour sur la planète ?) et on s’immerge dans la mentalité yéménite.

 

Le café de Mokhtar est commercialisé sous le nom de Port of Mokha et après avoir lu son parcours, il me tarde d’en boire une tasse.

 

Dave EGGERS, LE MOINE DE MOKA, Gallimard, 2019. Récit traduit de l’anglais (États-Unis) par Juliette Bourdin. 269 pages



08/05/2021
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